Dans le cadre de la dynamisation de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac), basée à Douala, l’État du Cameroun a communiqué le 8 septembre dernier la liste de quatre entreprises devant être introduites en bourse. « Monsieur le directeur général, j’ai l’honneur de vous faire savoir que par lettre (…) datée du 29 août 2022, le ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, me notifie le très haut accord du président de la République du Cameroun, pour la cotation des entreprises Aéroports du Cameroun (ADC), Cameroon Hotels Corporation (CHC), Port autonome de Douala (PAD), et Société de développement du coton (Sodecoton) à la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (Bvmac) », peut-on lire dans la lettre adressée au directeur général de la Bvmac, Louis Banga Ntolo, par le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motazé.
Après plus de 2 ans de retard, le Cameroun est donc en passe de respecter l’engagement pris par les six États de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) de contribuer à dynamiser le marché financier sous-régional unifié, en y introduisant des entreprises publiques ou à capitaux mixtes. Le Cameroun a été devancé par le Gabon, le Congo et la Guinée équatoriale qui ont, depuis plusieurs mois, fait tenir à la Bvmac une liste de 10 entreprises au total, pour leur introduction en bourse.
L’une de ces entreprises, Banco nacional de Guinea ecuatorial (Bange Bank) en l’occurrence, est même déjà listée à la Bvmac depuis le 28 septembre 2022, avec une action à 206 220 FCFA dès son arrivée sur le marché. Le réassureur gabonais SCG Ré a, quant à lui, entamé le processus d’entrée en bourse. SCG Ré pourrait très bientôt être suivi par l’une des quatre entreprises proposées par le Cameroun et dont les profils apparaissent plutôt intéressants pour les potentiels investisseurs.
Une aubaine pour Geocoton à la Sodecoton
Il s’agit d’abord de la Sodecoton, un mastodonte agro-industriel qui encadre environ 200 000 producteurs de coton dans les trois régions septentrionales du Cameroun. Cette entreprise, dont l’État détient 59% du capital a réalisé un bénéfice de 8,4 milliards FCFA au cours de la campagne cotonnière 2021-2022, après une perte de 4,7 milliards FCFA la campagne précédente, en raison des ravages du Covid-19. Cette unité agro-industrielle est engagée dans un plan de développement de son outil de production, avec notamment la construction annoncée de nouveaux magasins de stockage, la 11e usine d’égrenage du coton et une nouvelle huilerie. Tous ces investissements sont réalisés dans la perspective d’une production attendue à 400 000 tonnes en 2025 (contre 309 021 tonnes en 2021-2022).
L’introduction en bourse de la Sodecoton pourrait surtout être une opportunité pour le Français Geocoton, son 2e actionnaire avec 30% du capital, de se repositionner plus solidement dans le tour de table de cette entreprise dans laquelle la SMIC du milliardaire Baba Danpoulo détient également 11% des parts. En effet, en 2020, apprend-on de sources autorisées, Geocoton a discrètement fait à l’État du Cameroun une offre de prise de participations majoritaires dans le capital de la Sodecoton, en échange d’une enveloppe d’investissements de 60 milliards de FCFA sur 7 ans. Une offre déclinée à l’époque par l’État.
Ensuite, l’État du Cameroun se propose de céder sur le marché financier unifié de l’Afrique centrale, une part de ses actifs dans le Port autonome de Douala (PAD), l’entreprise publique qui gère le port de Douala. Avec plus de 80% du trafic import-export, cette plateforme demeure la principale porte d’entrée du Cameroun, malgré la construction récente du port en eau profonde de Kribi. Grâce à un bénéfice de 6,4 milliards de FCFA en 2021, après 6,3 milliards en 2020 (en hausse d’un milliard de FCFA en glissement annuel, NDLR), dans un contexte de crise sanitaire, le PAD est parmi les rares sociétés d’État du Cameroun qui affichent une santé financière enviable. Doté d’un ambitieux plan d’extension vers la zone de Manoka, le PAD, qui déroule un programme de modernisation de ses infrastructures et équipements depuis quelques années, a depuis 2020 repris à son propre compte la gestion du terminal à conteneurs, ainsi que les opérations de dragage du chenal, de lamanage et de remorquage ; jadis concédées aux entreprises étrangères.
ADC et CHC impactés par le Covid-19
Enfin, parmi les candidats à l’introduction à la bourse présentés par le Cameroun, l’on retrouve les ADC et CHC. Société d’État chargée de la gestion de toutes les plateformes aéroportuaires du pays, les ADC, détenus à 71% par l’État, ont réalisé un résultat net de 6,7 milliards de FCFA en 2019, secondant ainsi la CNPS, le fonds public de pension, dans le top 5 des entreprises publiques ayant réalisé les bénéfices les plus importants cette année-là. Mais, ce résultat bénéficiaire s’est mué en une perte sèche de 7 milliards de FCFA en 2020, en raison de la baisse de 62% du trafic international dans les aéroports du Cameroun, du fait de la pandémie du Covid-19.
La société Cameroon Hotels Corporation (CHC) est certainement la moins connue de toutes les quatre proposées par le gouvernement pour leur introduction en bourse. Cette entreprise publique (95,6% du capital appartient à l’État) n’est rien d’autre que le propriétaire du Hilton Hôtel de Yaoundé, seule enseigne cinq étoiles du Cameroun avant l’arrivée fin 2021du Chrystal Palace de Douala. CHC a vu son résultat net baisser de 677,59% pour se situer à -1,75 milliard en 2020 du fait de la pandémie du Covid-19. Mais, selon des données de la direction générale des impôts, l’activité hôtelière est en pleine reprise. Dans son plan d’expansion, CHC ambitionne de s’étendre à la ville de Kribi, la cité balnéaire du Sud du pays, au moyen de la construction d’un hôtel haut standing.
La Commercial Bank Cameroon aussi…
La grande absente de cette liste est la Commercial Bank Cameroon (CBC), banque detenue par le milliardaire Victor Fotso de regrettée mémoire, mais passée sous le contrôle de l’État (98% du capital) depuis quelques années après une longue période de restructuration (7 ans) et une recapitalisation. « L’introduction en bourse de la CBC est déjà actée. Je pense que l’État n’a simplement pas jugé nécessaire de le rappeler en l’ajoutant à cette liste », analyse un habitué du marché financier sous-régional.
En effet, apprend-on de sources proches du dossier, le plan de désengagement de l’État de la CBC prévoit la cession de 51% des actifs à un partenaire stratégique et l’ouverture de 30% du capital aux investisseurs de la Bvmac. Au terme du processus pour lequel le ministère des Finances a lancé un appel à manifestation d’intérêt en début d’année 2022, en vue du recrutement d’un conseil devant accompagner l’État, le Cameroun ne conservera que 17% du tour de table de cette banque qui affiche plutôt fière allure depuis la reprise de ses actifs par l’État (résultats nets respectifs de 1,5 et 2,5 milliards de FCFA en 2017 et 2019, puis augmentation des fonds propres de 11 milliards de FCFA à fin 2020).
Data sources: https://www.investiraucameroun.com/